La Consécration de la Cathédrale
Une Cathédrale n’est définitivement vouée à Dieu que par les cérémonies de la Consécration : celle de la Cathédrale aura lieu le 16 juin 1894.
À l’occasion du cinquantenaire de la Mission, le 25 décembre 1893, Mgr Fraysse avait pensé faire de grandes fêtes. Mais vers la fin de 1893, une épidémie se déclara en ville qui obligea à remettre les fêtes. On les reporta donc à la saison fraîche et on choisit le 16 juin.
Les invités
Plusieurs évêques d’Océanie avaient été invités par Mgr Fraysse à venir prendre part aux fêtes du Cinquantenaire de la Mission.
Trois seulement purent répondre à cette invitation. Ce furent de Nouvelle Zélande, Sa Grâce Mgr Redwood de Wellington et sa Grandeur Mgr grimes, évêque de Christchurch ; puis, de Fidji, sa Grandeur Mgr Vidal, le compatriote très aimé de Mgr Fraysse.
Tous les missionnaires de la ville et des environs avaient tenu à se joindre au clergé de la cathédrale pour la cérémonie. Et de toutes les missions de l’intérieur, il était venu des indigènes, surtout des chantres bien exercés, qui devaient remplir le programme très chargé des chants liturgiques, et en même temps, représenter les diverses églises de la Calédonie à la dédicace de l’église-mère : la cathédrale.
La cérémonie du samedi 16 juin 1894
Les rites de la Consécration d’une église sont longs et complexes : ils ne peuvent s’accomplir que devant une assemblée restreinte. C’est pourquoi la consécration proprement dite eut lieu le samedi 16 juin, et la solennité le lendemain dimanche. Ce fut Sa Grandeur Mgr Vidal, Vicaire Apostolique des îles Fidji, qui eut l’honneur d’être le prélat consécrateur, lourde charge commencée à 7h30 qui prit fin à midi et demie.
Les cérémonies de la Consécration d’une église
La plupart des lecteurs n’ont jamais vu et n’auront peut-être pas l’occasion de voir semblables cérémonies qui manifestent à la fois la grandeur de la Maison de Dieu et le respect que nous devons avoir pour elle.
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Tout d’abord, l’église à consacrer doit être totalement vide : il faut donc enlever les bancs. De plus on doit élever un petit autel provisoire, tendu de rouge, sur lequel seront déposées les reliques des Saints Martyrs qui doivent être placées dans le tombeau de tout autel consacré.
La cérémonie commence par l’aspersion extérieure des murs de l’église. Ces murs sont aspergés trois fois à la base, au milieu et au sommet, avec de l’eau bénite ordinaire, par l’évêque consécrateur. Ensuite, on répand sur le pavé de l’église, deux longues bandes de cendres, croisées en X. L’une va de la colonne du bas de l’église à gauche jusqu’à la colonne du haut à droite. L’autre la coupe dans le sen opposé. Puis l’évêque, du bout de sa crosse trace sur la première les lettres de l’alphabet latin et sur la deuxième les lettres de l’alphabet grec ; au milieu se trouve la lettre commune aux deux alphabets. Ce rite montre que, malgré les différences, subsiste l’unité de la foi.
Puis, après avoir longuement prié à la porte de l’église, laquelle est solennellement bénite, l’évêque fait une eau sainte spéciale qui ne sert que dans la Consécration des églises et des autels et que l’on nomme eau grégorienne. Elle est composée d’eau, de sel, de vin et de cendre. Tous ces éléments qui ont un symbolisme particulier, sont mélangés dans le cours de prières très belles. Cette eau servira à faire, à l’intérieur cette fois, une nouvelle triple aspersion des murs et aussi à asperger le pavé de l’église : le tout accompagné du chant des psaumes et de diverses oraisons.
Ensuite, tout le clergé s’en va chercher en procession les reliques des Saints Martyrs déposées dès la veille, avec honneur sur un trône de pourpre, élevé dans le salon du presbytère. Au chant des hymnes sacrés, des diacres revêtus de riches ornements, suivis de tout le clergé, portent solennellement la châsse qui contient les reliques en faisant extérieurement le tour de l’église, puis y pénétrant, ils placent la châsse sur l’autel provisoire. Peu après, l’évêque dépose dans le tombeau de l’autel de pierre les ossements des Saints Martyrs, sur lesquels se fera la consécration de l’Eucharistie.
À ce moment commence la consécration de l’autel proprement dite. Il est encensé d’abord par le consécrateur, puis par un prêtre, qui sans cesse tournera autour de l’autel, en encensant à longue chaîne.
Pendant ce temps, l’évêque oint complètement et par trois fois la table même de l’autel : les deux premières fois avec l’huile des catéchumènes, la troisième fois avec l’huile du Saint Chrême, dont il se sert aussi pour oindre le devant de l’autel tout entier. Le tout est accompagné de longues prières, psaumes et oraisons. À ce moment le prêtre interrompt l’encensement de l’autel.
Le Pontife consécrateur commence alors les onctions avec le Saint Chrême sur les douze colonnes de l’église, rite saint qui nous rappelle que l’Église fondée par Jésus-Christ est supportée par les saints Apôtres, lesquels en sont comme les douze colonnes. C’est la place de ces onctions que l’on voit marquée d’une croix rouge sur les colonnes de la nef de notre Cathédrale.
Puis revenant à l’autel, l’évêque allume cinq cierges de cire en forme de croix placés l’un au milieu, les autres aux quatre coins de la table de l’autel. Il y fait brûler de l’encens et fait ensuite des onctions sur les quatre côtés de l’autel.
Enfin dans cette église et sur cet autel qui viennent d’être consacrés, une messe de la dédicace est célébrée. Ce fut au R.P. Pionnier que revint l’honneur de chanter cette première messe : un vrai bonheur et l’occasion d’un acte de reconnaissance pour Dieu pour celui qui avait tant peiné pour conduire cette œuvre gigantesque à bonne fin.
La fête du 17 juin 1894
La consécration de la cathédrale connaît son plein épanouissement le lendemain, dimanche 17 juin.
La veille, on avait voulu illuminer l’extérieur de l’église par des verres de couleur placés un peu partout, surtout sur les grandes lignes architecturales, dessinant ainsi magnifiquement l’église. Mais un vent violent fit abandonner cette partie du programme.
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Le lendemain dimanche, le temps était magnifique. Bien longtemps avant l’heure ordinaire de la grand’messe, l’église était remplie par une foule compacte.
Le Chœur était garni de tentures rouges, de guirlandes, de plantes vertes ; sur l’autel les grands chandeliers donnés en 1892. Sur chaque chapiteau, on voyait un élégant écusson supportant trois oriflammes avec des devises brodées, se rapportant à la vie des Saints qui ornaient les vitraux les plus rapprochés.
À 9 heures, un long cortège d’enfants de chœur, revêtus de soutanes rouges et de délicats surplis, précédant le clergé, allait recevoir solennellement à la porte l’archevêque Mgr Redwood et les trois évêques. Spectacle peu ordinaire que celui de quatre prélats s’avançant dans la grande allée, bénissant les fidèles agenouillés.
Sa Grâce Mgr l’Archevêque de Wellington célébra la messe. Jamais le chœur si vaste de notre église n’avait été occupé par un clergé aussi nombreux. Les évêques non célébrants occupaient, en face du trône du Pontife officiant, une estrade ornée de tentures, ayant à gauche leur chapelain et devant eux les clercs porte insignes.
La fête du Cinquantenaire
Rappelons brièvement les principaux épisodes des Fêtes du Cinquantenaire de la Mission.
Nos Seigneurs, les évêques étaient arrivés par le Polynésien le 10 juin.
Dès le 12 juin, commençaient les fêtes au village de la Conception. Le 13, Mgr Redwood bénissait la statue monumentale de la Sainte Vierge, placée sur le dôme du clocher. Cette statue en fonte et en plusieurs parties, mesure 2,80 m de hauteur. Elle est la reproduction fidèle de la Sainte Vierge érigée au-dessus du clocher de Notre Dame de la Fourvière, à Lyon. Le R.P. Lambert fut l’orateur de la journée. Il ne fut pas difficile au vieux missionnaire de rappeler quelques-uns des principaux témoignages de protection de la Sainte Vierge pendant les durs débuts de la Mission en Calédonie.
Le 14 juin était le jour réservé à St Louis. Après la messe solennelle eut lieu la visite du village indigène où trois grandes cases venaient d’être nouvellement construites selon tous les principes de l’ancienne architecture indigène.
Le soir, grande cérémonie à la chapelle et sermon du R.P. Pionnier, puis retour joyeux à Nouméa.
Le 17 juin, au milieu des fêtes de l’inauguration de la cathédrale, l’Amiral Nébogatoff, magnifiquement reçu à Nouméa quand il l’avait visitée en mai à bord du croiseur russe Kreisser, envoyait du Kamtchaka, un télégramme de félicitations à Mgr Fraysse.
Le 28 juin, sur le petit aviso le Loyalty, les évêques faisaient une excursion à l’île des Pins, malheureusement interrompue par l’annonce de l’assassinat du Président Carnot
Le dimanche 1er juillet, un grand service était célébré pour le Chef de l’état dans la Cathédrale consacrée et ainsi commençait le vrai rôle de l’église qui est l’unique centre de toutes les joies et de toutes les douleurs.
Entre temps, les évêques visitaient l’Ile Nou, Païta et les environs de Nouméa, et le 5 juillet, par le Birksgate, ils partaient pour Fidji.
© Textes : Père Henri Boileau (1874-1966)
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